Première rencontre sur l'île - feat Lily S. McArthur

Maddy lisait. Comme à son habitude, donc il n'y avait rien de surprenant. Sauf peut-être si l'on considérait le fait que la jeune femme était en vacances. Mais pour elle, passer un peu de temps loin de l'université, de son job et de ses deux colocataires ne signifiait pas pour autant délaisser les livres. C'était sa passion après tout et ce depuis son plus jeune âge. Les garder au chaud et sous la poussière dans sa bibliothèque sans y toucher n'était donc pas son genre. Aussi avait-elle emmener dans sa valise quelques ouvrages à la couverture légèrement abîmée de les avoir lu et relu. Mais c'était il y a longtemps. Trop longtemps pour la fille qui comptait les relire de nouveau pendant son congé.

Confortablement assise à une petite table du Junction Bar, les jambes croisées sous sa jupe claire, les cheveux détachés et brillants sous le rayon solaire qui filtrait par la baie face à elle, la jeune femme en avait presque oublié le monde alentour, concentré dans son bouquin. Elle était arrivée le jour même sur l'île de Brigt Falls, assez tôt dans la matinée. Après avoir prit possession de ses quartiers, défait sa valise et consulter le plan de l'île, Maddy avait décidé de faire une ballade. Une grande promenade même. Chose que la ville, son job et ses études ne lui permettaient que rarement. Dans ses ballerines plates habituelles, bien que n'étant pas forcément les meilleures chaussures pour une marche, emportant deux-trois affaires dans un petit sac à dos, la jeune femme avait donc quelque peu visité le coin. Bien peu en réalité vu l'étendue de l'île. Mais c'était un début et, pour une première matinée, elle trouvait que c'était déjà pas mal.

En fin de matinée, Maddy était arrivée, quasiment par hasard, devant le Junction Bar dont l'aspect extérieur l'avait poussé à s'y installer. Elle avait commandé un café et, se plaçant près de la baie ouvrant sur le paysage environnant, elle avait sortit de son sac à dos le livre qu'elle avait emporté. C'est donc là, seule à sa petite table, dans le calme tout relatif de l'établissement, la tasse vide devant elle, que la jeune femme avait quitté le bar, Bright Falls, la Terre pour le monde imaginaire de l'écrivain Allan McArthur. Un de ses favoris d'ailleurs à en croire l'état de l'ouvrage que Maddy tenait fermement entre ses mains.

Pour une première journée de vacances, malgré la petite fatigue dut au voyage, la fille trouvait que son séjour s'annonçait bien...

Première rencontre sur l'île.

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Lily n'était pas en retard pour prendre son service ce jour-là. Comme si souvent son oncle et elle s'étaient pris la tête avant qu'elle ne quitte la maison et s'il n'y avait pas eu Gabrielle dans la pièce, la rouquine jurait tous ses grands chevaux qu'elle n'aurait pas retenue son petit poing... enfin bon, pour être honnête, elle disait ça à chaque fois, mais n'avait pourtant jamais osé s'en prendre réellement physiquement à Allan. Elle fut donc plus qu'heureuse d'arriver au travail ce jour-là. Au moins, son vieux grincheux préféré d'entre tous n'y mettait jamais les pieds, préférant largement se saouler seul qu'en compagnie d'autres alcooliques.

Retrouvant son autre ours mal léché, un homme autrement plus sympathique une fois qu'on le connaissait bien, l'orpheline de New York passa derrière le bar, récupéra son tablier qu'elle passa et attacha autour de sa taille avant de se mettre immédiatement au boulot. « Tu arrives bien tôt, rouquine », nota le vieil homme en lui souriant de toutes ses dents. « Mon oncle n'a pas son pareil pour me faire fuir la maison », répondit-elle simplement, le faisant rire. Puis elle passa la matinée à servir les clients, à répondre par la négative, mais avec le sourire, aux invitations et autres propositions indécentes des piliers de comptoir, habitué des lieux et à nettoyer des tables collantes sur lesquelles il ne valait mieux pas se poser trop de questions.

En fin d'après midi, alors qu'elle donnait sa troisième bière à un habitué des lieux, elle vit qu'une jeune femme entrait dans le bar. Elle attendit que celle-ci s'installe en allant débarrasser une table laissée à l'abandon depuis une bonne demi-heure, puis revint vers la brunette en jupe après s'être lavé les mains. Son patron n'était pas forcément un mania de l'hygiène, mais elle, elle détestait avoir les mains collantes et sentant l'alcool. Déjà que ses vêtements s'imprégnaient bien malgré elle de l'odeur du lieu. « Bonjour », s'exclama la rouquine à l'attention de la demoiselle. « Qu'est-ce que je vous sers ? » Baissant les yeux alors que la jeune femme lui répondait, Lily hocha la tête et vit le titre du livre qu'elle lisait. Elle sourit malgré elle, avec un peu d'amertume et ajouta avant de retourner vers le comptoir : « Allan McArthur, hein ?! Pas l'un de ses meilleurs romans. Trop soupe au lait. Sa fille adorée venait de naître et il débordait trop d'amour pour être aussi incisif que d'ordinaire... Enfin bon ! Celui qui a suivi était bien meilleur. » Ce livre, comme tous les autres, les critiques l'avait adoré. Sauf qu'elle, elle n'y retrouvait pas son grincheux. Elle n'y trouvait qu'un auteur inspiré, brillant et optimiste... sauf que le « optimiste » ne collait pas avec l'Allan McArthur qu'elle connaissait.

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A l'approche de la serveuse, une rousse à la longue chevelure flamboyante, Maddy n'avait même pas relevé la tête. Le monde imaginaire et imaginé était si prégnant... Et c'est seulement au salut poli et enthousiaste de l'employée que la fille daigna quitter des yeux son livre pour regarder son interlocutrice.

''Oh bonjour !, répondit-elle tout aussi poliment en revenant d'un coup à la réalité. Je vais prendre un café s'il-vous-plait.''

La rouquine, qui avait l'air bien sympathique pour une serveuse de bar, à rester sans doute debout toute la journée à faire son job et écouter les histoires plus ou moins intéressantes des habitués et autres alcooliques du coin, approuva d'un signe de tête la commande avant d’enchaîner sur quelques brides de conversation. Elle avait observé le roman que Maddy était en train de lire -relire pour être plus exact- et semblait bien le connaître.

''Ah vous l'avez lu aussi ?, poursuivit Maddy en posant le livre sur la table, les doigts coincés entre les pages pour ne pas perdre son passage. Personnellement c'est l'un de mes préférés !''

La jeune femme affichait un petit sourire, contente de rencontrer une personne connaissant l'auteur. Oh certes, Allan McArthur était un écrivain assez célèbre, mais la fille n'avait que peu d'occasions de discourir sur ses écrits et de partager son avis avec d'autres. La plupart de ses amis et connaissances préférant de loin lire les dernières histoires à l'eau de rose et pour adolescents remplies de vampires et créatures fantastiques. Maddy aussi aimait le fantastique, là n'était pas la question. Seulement elle privilégiait Wells ou Lovecraft aux auteurs du XXI ème siècle.

''J'ai du le lire, pfff ! Aucune idée en fait !, continua t-elle en rigolant tout en passant une mèche de cheveux derrière son oreille. Par contre je ne me suis jamais autant renseignée sur un auteur. Vous avez l'air d'avoir fait pas mal de recherches sur lui, non ? Il faut être vraiment fan après. Personnellement j'aime ne pas trop connaître la vie privée des écrivains. Surtout de ceux contemporains. Ça... gâche quelque chose lors de la lecture je trouve. Mais chacun son point de vue !''

Maddy espérait que la rousse ne prendrait pas trop mal sa remarque. Après tout, la jeune étudiante voulait juste passer pour sympathique et discuter un peu. Et d'autant plus qu'elle n'avait encore rencontré personne depuis qu'elle était arrivée dans la matinée -à part quelques employés de l'hôtel où elle résidait- et que la serveuse semblait apprécier elle aussi la littérature.

Première rencontre sur l'île.

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Elle nota mentalement une commande qui n'avait rien de compliqué comparé à ce qu'elle faisait d'ordinaire et écouta la cliente lui répondre, s'exclamant sur le plaisir qu'elle avait à lire du Allan McArthur et le fait qu'elle avait lu celui-ci un tas de fois. Comme Lily le lui avait dit, elle ne trouvait pas que celui-ci était le meilleur, mais de toute manière, elle ne lisait en général les livres de son oncle que deux fois, trois à la rigueur. Deux fois pour comprendre et découvrir les petits détails d'apparence sans importance à la première lecture, mais qui prenait tout leur sens une fois qu'on connaissait la fin du livre. Trois pour certains, parce qu'il lui arrivait de passer à coté de certains de ses petits détails parfois et Allan ne se faisait pas prier pour le lui dire. Elle ne rapporte pas ses détails cependant et se contenta de hausser les épaules en réponse. Chacun avait le droit d'avoir ses préférés après tout.

Puis la rouquine éclata de rire. Parce que la demoiselle venait de lui dire qu'elle n'était pas autant renseignée qu'elle sur l'auteur. Parce qu'elle lui dit qu'elle devait être vraiment fan, surtout. Parce qu'elle lui dit que d'en savoir autant gâchait la lecture. Mais surtout parce qu'elle lui avait dit qu'elle devait être vraiment fan. « Moi, fan d'Allan McArthur ! C'est la meilleure. Mon amour pour Allan s'arrête où commence le sien pour tout être vivant. » Elle l'avouait, elle n'était pas très douée avec les mots. Clairement moins qu'Allan en tout cas. Mais l'idée qu'elle avait en tête était là.

Ne laissant pas le temps à sa cliente de répondre, elle alla préparer ce fameux café. Tout en préparant la tasse, elle réfléchit à ses mots et se rendit compte qu'elle avait probablement été plus maladroite encore qu'elle ne le pensait. Alors pendant que le liquide noir coulait, elle se tourna vers la table de la jeune femme, s'appuyant sur le comptoir pour la regarder. « Je suis désolé, mes mots ont peut-être un peu dépassé ma pensée. C'est souvent ce qu'il m'arrive quand on parle d'Allan. Je le connais personnellement en fait, voilà pourquoi je sais autant de choses. Je ne suis pas une de ses folles furieuses qui furette partout pour tout savoir de lui et obtenir un autographe ou je ne sais quoi d'autres. » Elle préféra ne pas penser aux groupies qu'elle avait eu à affronter depuis l'âge de dix-huit ans. Elle avait appris de façon plutôt brutale qu'être la nièce et fille adoptive d'un écrivain célèbre n'avait pas que des avantages. Si elle avait ses entrées dans pas mal d'endroit grâce à son nom et son identité, elle avait aussi à subir la proximité d'Allan et des fans qui voulaient à tout prix le prendre dans leurs bras, même lorsqu'il se montrait comme le plus irascible des bouledogue. Depuis qu'ils étaient à Bright Falls, cette partie de la célébrité de son oncle faisait, heureusement, office de problème passé. D'ordinaire, elle n'aurait pas avoué cette connexion avec l'auteur à une fille adorant ses livres. Ça aurait été se jeter dans la gueule du loup. Mais bizarrement, elle avait confiance en cette inconnue. Celle-ci c'était étonné de sa connaissance sur l'auteur. Cela devait vouloir dire qu'elle ne s'intéresserait pas plus que ça à une fille connaissant personnellement celui-ci. A la rigueur seulement pour lui poser des questions bateaux, comme on demanderait pour une connaissance avec un gros projet - ou ici une absence de projet - en cours.

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Lorsque la serveuse avait éclaté d'un rire sonore avant de lui répondre par une phrase pour le moins curieuse, Maddy était restée dans l'étonnement. Puis la rouquine au tablier était partie lui préparer son café, la laissant songeuse. Tout en regardant le livre posé devant elle, les yeux sur la photo de l'auteur qui ornait la quatrième de couverture, la jeune femme, un vague sourire au coin des lèvre et les sourcils froncés, tournait et retournait la déclaration de la serveuse dans sa tête. Les mots de cette-dernière étaient bien inhabituels pour une lectrice. Et encore plus que celle-ci ne se prétendait pas fan de l'écrivain. Et alors que ses pensées tournoyaient sous son crâne, comme devait le faire le café coulant dans la tasse, Maddy porta son regard vers le comptoir. Derrière celui-ci, la serveuse s'y était accoudée et croisa le regard de Maddy avant de lui donner quelques explications.

Ainsi donc, la jeune rousse connaissait personnellement Allan McArthur. La révélation avait de quoi surprendre, mais faisait la lumière sur la précédente déclaration de la serveuse. Et c'est dans les rayons solaires filtrants de l'extérieur, et qui éclairaient le bar, que Maddy quitta sa table, son livre toujours tenu entre deux doigts, pour aller s'asseoir au comptoir, plus près de son interlocutrice. La jeune femme, en traversant ce cours trajet d'un siège à l'autre, se demanda quel pouvait être le lien exact unissant Allan McArthur et cette rouquine. Ne connaissant que très peu d'informations sur l'auteur, elle était bien loin de se douter que le lien était d'ordre familial.

''Vraiment ? Vous le connaissez personnellement ?'', demanda t-elle en croisant ses bras sur le comptoir et presque à voix-basse, comme s'il s'agissait d'un secret.

Maddy n'avait pas songé un seul instant que la serveuse lui avait peut-être mentit ou dit cela simplement pour se vanter. La rouquine avait l'air trop sincère pour un tel mensonge. Toutefois, la vantardise n'était peut-être pas à exclure. Même si elle connaissait effectivement bien l'auteur en question, quelle était leur relation exacte ? La rousse était-elle une amie ? L'amie d'amis communs ? Avait-elle un lien encore plus distant avec Allan McArthur ?

''Et vous le connaissez bien ?, interrogea alors Maddy pour essayer d'en savoir un peu plus et assouvir sa curiosité. Ça doit être quelque chose de connaître en premier les dernières nouvelles et les prochains projets d'un si grand écrivain !''

La jeune femme avait presque rigolé en prononçant sa dernière phrase mais espérait faire son petit effet et ainsi en apprendre d'avantage. D'accord, si la vie personnelle des auteurs qu'elle appréciait ne lui importait pas plus que ça, rencontrer une personne en lien plus ou moins direct avec eux relevait du niveau supérieur. C'était autrement plus intéressant que de lire une biographie rédigée par un inconnu sur une encyclopédie en ligne.

Et tandis que la serveuse l'écoutait en terminant de préparer le café qu'elle lui avait commandé, Maddy jetait alternativement des coups d’œil à la photo sur le livre, qu'elle avait finalement posé sur le comptoir, et à la serveuse en se disant que, si la rouquine était la fille cachée de l'écrivain, la ressemblance n'était pas des plus frappante. Mais de toute manière, Maddy ne s'était jamais renseignée sur la famille McArthur et ne savait donc pas si Allan avait des enfants ou non.

''Et ne vous excusez pas. Y'a pas de mal'', sourit-elle en la remerciant pour la tasse brûlante.

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La jeune femme changea finalement de place pour venir s'installer au comptoir et ainsi pouvoir parler plus amplement avec la serveuse. Comme elle s'y était attendu, l'aveu que Lily n'était pas passé sans réaction. La jeune femme sourit et hocha la tête quand la brune lui demanda confirmation de cet aveu. Oui, oui, elle connaissait personnellement Allan McArthur. Elle ne pouvait mentir sur ce point, elle portait le même nom. Puis Lily réalisa qu'elle ne lui avait pas donné son nom. La jeune femme ne pouvait donc pas le savoir.

Alors que la femme poursuivait en lui demandant si elle connaissait bien l'auteur, Lily se tourna pour récupérer la tasse de café et la posa sur une petite assiette et ajouta une cuillère. Elle attrapa ensuite le pot de sucre et posa le tout devant la cliente. Celle-ci s'exclama que cela devait être bien privilégié d'être toujours au courant de tout avant tout le monde concernant les nouveaux projets d'un écrivain de best seller, mais la rouquine hocha simplement les épaules. « Quand on est qualifié de grand écrivain, on a plus de pression que les autres. Et Allan est doué pour se mettre dans ce genre d'état par lui-même à l'origine. Quand on fait partie des proches, on subit toute cette pression, ses réactions face à des délais impossibles à respecter et tout ce qui va avec. Et Allan n'est pas du genre à supporter qu'on lise ses écrits s'ils ne sont pas terminés. Parfois, j'ai même interdiction formelle d'aller jeter la poubelle, tant il a peur que je tombe sur une page qu'il y a mis. Et comme ça n'est pas lui qui fera le ménage... Enfin bref, vous voyez le genre ! J'ai souvent tendance à découvrir les livres au moment de leur parution, comme le reste de l'univers. Ca détache un peu l'écrivain revêche de ses meilleurs récits. » Bon, d'accord, parfois, elle avait des avant goûts, des premiers chapitres, mais en règle générale, il rendait ses écrits piles au dernier carat et elle n'avait pas l'occasion de les lire avant leur publication.

Puis elle baissa les yeux et les releva en soupirant. « Pardon, je n'ai même pas commencé par l'essentielle. » Elle tendit la main pour serrer celle de la brunette par-dessus le bar et fit un nouveau sourire. « Je m'appelle Lily McArthur, je suis la nièce d'Allan McArthur et il m'a recueilli il y a trois ans maintenant », ajouta-t-elle pour plus de précision. Encore une fois, elle n'avait aucun mal à avouer cela à une parfaite inconnue. De toute façon, un petit tour sur internet, quelques photos de certaines séances de dédicaces ou des paparazzades de la vie quotidienne de l'écrivain et Lily n'était pas difficile à trouver. Tout comme Gabrielle ou Anna Maria d'ailleurs. Même si les deux premières n'étaient pas adeptes des sorties sous les caméras et les flash des journalistes, elles avaient participé à quelques activités de leur oncle et leur histoire avait fini par être connu. Leur unique source de tranquillité venait en fait du fait qu'elles n'avaient que peu de choses d'intéressant aux yeux des fans. Elles n'étaient que les pauvres nièces orphelines. L'une était étudiante à la maison, l'autre serveuse dans un bar. Rien de bien mirobolant, rien de vraiment intéressant.

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Maddy sirotait son café tout en écoutant patiemment, et surtout attentivement, les bribes de vie privée d'Allan McArthur que la serveuse rousse lui contait. Et tout en respirant la bonne odeur du liquide fumant, la jeune femme se disait que son interlocutrice était vraiment très proche de l'écrivain pour connaître autant de petits détails sur son processus d'écriture. Et surtout pour sortir -ou plutôt ne pas sortir en fait- sa poubelle ! Puis, après un soupir, l'employée du bar tendit sa main et se présenta comme étant la nièce de l'auteur. Un membre de sa famille. De sa famille directe et proche, vraiment proche, qui plus était.

Sous le coup de cette annonce, Maddy avala de travers et commença à toussoter. Reposant sa tasse, elle attrapa la serviette en papier au nom du bar posée sous la coupelle et s'essuya la bouche avant de se retourner face à la rouquine qui était restée main tendue.

''Maddy. Maddy Eisen, répondit-elle avec un grand sourire, et comme si son nom était important, tout en attrapant la main de la dénommée Lily. Je suis heureuse, vraiment très heureuse de vous connaître !''

Et c'était vrai. Bien qu'elle ne s'intéressait que peu aux célébrités, ce n'était tout de même pas tout les jours que Maddy rencontrait, par hasard en plus, une membre de la famille de son auteur favoris. Tout sourire, elle secoua de longs instants la main de Lily sans la lâcher des yeux, avant de se rendre compte qu'elle en faisait un peu trop. Elle rendit donc sa main à la rouquine, presque à regrets mais sans cesser de sourire. Toutefois, Maddy se demandait si ses paroles et gestes n'allaient pas être mal interprétés. L'étudiante ne voulait pas donner l'impression d'être une de ces fans qui deviennent hystériques dès qu'elles croisent leur chouchou. Ainsi elle opta pour un sourire plus discret et, passant une mèche de cheveux derrière son oreille, détacha son regard quelques instants de son interlocutrice pour faire le tour du bar des yeux.

''Hum, reprit-elle ensuite. Et ça va, vous n'êtes pas trop embêtée ? Ça ne doit pas être évident tout les jours de côtoyer un grand écrivain. Enfin je suppose que pour vous, c'est avant tout la famille.''

La vacancière jeta un nouveau coup d’œil à la photo sur la quatrième de couverture en se demandant ce que Lily avait bien put vouloir dire en déclarant qu'elle avait été recueillie il y a trois ans. Mais Maddy ne voulait pas se montrer trop curieuse, et encore moins indiscrète, sur la vie privée de la jeune femme et de sa famille. D'ailleurs elle ne songeait même pas à chercher plus tard par elle-même de quoi il en retournait, préférant de loin apprendre les faits par les personnes concernées.

''Mais vous devez être plutôt tranquille ici, non ? Bright Falls à l'air d'être assez calme. Enfin vous n'y vivez peut-être pas toute l'année... C'est assez sympa comme coin en tout cas. Du moins pour ce que j'en ai vu.''

Intérieurement, la brune avait de nombreuses questions qu'elle aurait bien aimé poser, mais préférait dévier lentement sur un autre sujet pour ne pas importuner son interlocutrice. Des non-dits et autres sous-entendus que la rouquine avait placé, il y avait de quoi comprendre qu'elle vivait avec son oncle, ou du moins le voyait très régulièrement. Maddy aurait bien aimé en savoir un peu plus, pensant déjà à la rencontre qu'elle pourrait faire avec l'écrivain. Elle, l'étudiante en littérature... Mais même si Lily lui avait avouer tout ça, la vacancière n'était pas du genre à s'immiscer dans la vie privée des autres.

Première rencontre sur l'île.

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La jeune femme se présenta sous le nom de Maddy Eisen et Lily lui accorda un grand sourire sincère. « Tout le plaisir est pour moi. », répondit-elle à la brune qui lui assurait être très heureuse de la rencontrer. Même si au fond, la rouquine se demandait si elle pouvait vraiment faire confiance à la jeune femme lorsqu'elle lui disait ne pas être une fan hystérique, quelque-chose lui donnait véritablement à croire que oui. Et puis de toute manière, tout ce qu'elle avait dit jusqu'à présent était connu. Il lui suffisait de faire attention, de ne rien dire de trop privé et elle n'avait pas grand-chose à craindre. Ça n'était pas comme si elle en était à lui donner leur adresse - visible sur le net d'ailleurs - ou la boisson préférée de son alcoolique à ses heures d'oncle.

Puis Maddy lui demanda si ça allait, si elle n'était pas trop ennuyée et s'exclama à propos du fait que la famille restait la plus importante des choses. Encore une fois, la rouquine haussa simplement les épaules. Que répondre à ça ? Elle n'allait pas dire que tout allait bien dans le meilleur des mondes, alors que la plupart du temps, elle s'embrouillait avec Allan pour un oui ou pour un non. Elle n'allait pas lui dire qu'elle soutenait ce membre de sa famille quoiqu'il arrive, alors qu'elle se battait pour sa sœur, uniquement pour sa sœur et qu'elle n'abondait dans le sens d'Allan que lorsque cela allait dans le sens de Gabrielle. Et elle n'allait pas raconter à une parfaite inconnue que vivre avec son oncle était, certains jours, un véritable calvaire pour elle. « Je suppose que toutes les familles se ressemblent plus ou moins », dit-elle simplement.

Puis la brunette changea de sujet en abordant le fait que Bright Falls était un endroit calme et agréable. Lily sourit en hochant la tête cette fois-ci. « On y vit depuis peu, mais c'est vraiment... calme. Je suppose que pour un écrivain, c'est un bon terrain pour l'imagination. Et puis les histoires de l'île, son cadre... Bref, je ne suis pas Allan, je ne peux pas dire. Encore une fois, j'ai peu l'occasion de voir ses écrits avant leurs publications. J'ignore donc sur quoi portera son prochain livre. » Tout en parlant, elle sortit un bac de verres du lave vaisselle qui se trouvait sous le bar et commença à les essuyer, puis à les ranger à leur place derrière elle. « En tout cas, moi j'aime le coin. C'est vrai que ça change de la grande ville, mais j'ai quitté la grande civilisation depuis tellement de temps maintenant... », elle soupira pour elle-même en prenant un nouveau verre. « Bright Falls regorge de coins agréables à visiter. Mais il faut savoir où on met les pieds. Beaucoup d'habitants n'aiment pas qu'on traîne sur leurs terres. » Tout en parlant, la rouquine réalisa qu'elle parlait beaucoup d'elle, ce qui n'était pas très professionnel. Elle fit donc un grand sourire à sa cliente et prit un nouveau verre. « Et vous ? Comment avez-vous connu l'île ? »

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Comme lui avait répondu la serveuse rousse, que Maddy trouvait d'ailleurs bien sympathique au-delà du simple fait qu'elle était de la famille McArthur, toutes les familles devaient se ressembler plus ou moins. Oui, sans doute. Maddy avait d'ailleurs une famille bien spéciale qu'elle n'avait pas vue depuis longtemps. C'était par choix, et non par obligation qu'elle avait coupé les ponts. Et que ses parents n’avaient pas cherché à les reconstruire d'ailleurs. Mais la jeune femme n'en avait cure et seule sa sœur lui manquait de temps à autre. Elles qui avaient été si proches durant leur enfance...
Sa sœur était maintenant bien loin de toute manière. Géographiquement parlant.

''C'est vrai que l'île à l'air d'être vraiment tranquille, reprit Maddy en revenant au nouveau sujet de discussion. Pour y lire c'est parfait alors pour y écrire !''

Après un petit rire et un bref regard par la baie vitrée derrière elle, la jeune femme reporta, encore une fois, son attention sur la couverture de son livre puis sur la serveuse qui continuait son travail tout en conversant.

''Ça serait assez amusant que votre oncle, continua t-elle avant de se dire que la tournure de phrase sonnait bizarrement. Enfin que Allan McArthur écrive en s’inspirant de Bright Falls. Ça me ferait une occasion de revenir ici aux prochaines vacances, pour le lire dans le contexte !''

Certes, la remarque n'était pas des plus amusante et sans doute assez peu intéressante pour la rouquine. Maddy parlait souvent sans trop réfléchir, suivant ses pensées et autres idées comme elles venaient. Et c'est ce que l'île lui avait inspirée en réponse aux déclarations de la jeune rousse. Mais assez parlé de littérature : Maddy balaya d'un geste de la main ses propres propos pour reprendre sur la dernière question de son interlocutrice.

''Oh vous savez, sourit-elle, bouche-à-oreilles et réservation dans une agence de voyage. D'ailleurs le type était un peu bizarre. Il me racontait que l'île était hantée, ce genre de trucs ! Je ne sais pas s'il essayait de me draguer ou pas mais je suis à peu près sûre que les clients d'à côté ont demandé à changer de destination en l'entendant !''

La jeune femme eut un petit rire après avoir raconté son anecdote sur le ton de l'amusement, même si celle-ci n'en demeurait pas moins vraie. Toutefois, ce n'étaient pas les légendes insulaires du vendeur de l'agence qui avait conforté Maddy dans le choix de sa destination. Une collègue de travail lui avait parlé de l'île qu'elle connaissait vaguement via les photos de vacances du frère de son petit ami -ou quelque chose comme ça-, mais c'est en voyant elle-même des clichés de l'endroit que Maddy avait décidé d'y passer ses vacances.

''M'enfin j'aurais peut-être mieux fait de réserver par internet, ça m'aurait évité toutes ses histoires.''